Dans les années cinquante, les westerns de l'équipe Anthony Mann-James Stewart insufflèrent de la psychologie voire de la psychopathie dans le genre. Cette troisième collaboration est non seulement considérée comme la meilleure mais aussi comme un des plus grands westerns de l'histoire. Stewart y incarne Kemp, un chasseur de primes retors aux trousses d'un hors-la-loi (Robert Ryan) dans le décor majestueux des montagnes du Middle West. Il est bientôt accompagné de deux partenaires encombrants : un chercheur d'or grincheux (Millard Mitchell, son faire-valoir dans Winchester 73, du même Mann) et un ancien officier de cavalerie renvoyé à la vie civile pour manquement à l'honneur (Ralph Meeker). La comparse du bandit (Janet Leigh en garçon manqué) est de plus en plus déchirée entre sa loyauté envers son protecteur capturé et son attirance grandissante pour Kemp. Les pics montagneux, les défilés encaissés et les rivières torrentielles recèlent autant de beauté que de danger : un plateau protégé devient le perchoir d'un tireur embusqué, et une grotte protectrice se transforme en guet-apens. Stewart, en homme hanté par la trahison, résolu à ne plus accorder sa confiance et incapable d'aimer, joue le personnage le plus impitoyable de sa carrière. Le charme ironique de Ryan dissimule une sauvagerie redoutable (il déclara que c'était son rôle favori). La tension augmente jusqu'à la rupture dans ce combat moral angoissant qui culmine au bord d'une rivière en furie. Mann utilise la beauté violente du paysage comme un funeste champ de bataille où la nature devient elle-même une ennemie.